mardi 2 mars 2010

Election présidentielle et petit écran

Election présidentielle et petit écran

Le français dans le monde n°322
Juillet-août 2002



Si la question de l’influence des médias sur le choix des électeurs est régulièrement posée à l’occasion de nos différentes consultations électorales, le séisme politique intervenu le 21 avril a amené beaucoup de spécialistes à tenter de comprendre le rôle qu’avait pu jouer, dans ce contexte, le petit écran.



Insécurité et sentiment de peur

Même s’il est très difficile de mesurer l’impact exact d’images et de commentaires sur des téléspectateurs, comme le montrent la plupart des travaux sur la réception, il semble pourtant fort probable que le thème de l’insécurité qui a été omniprésent dans les journaux télévisés a entretenu un climat particulier dans le pays.
L’Observatoire du débat public, organisme d’analyse de l’actualité, s’est penché sur cette question et ses chercheurs ont montré, à partir d’un important corpus de journaux télévisés, que la couverture des faits de violence et de délinquance s’était accrue durant les mois qui ont précédé l’élection. Ils ont plus précisément constaté qu’à partir des évènements du 11 septembre, on était passé d’une violence globale à une violence locale. Dans une interview au journal Libération, Mariette Darrigrand, coresponsable de l’Observatoire expliquait ainsi : « Il y a eu dans les journaux télévisés une accumulation de faits de nature différente qui a donné l’impression que toutes les protections s’étaient écroulées, qu’on était dans la représentation d’un champ de ruines ». Cette représentation dramatique du monde à laquelle s’est ajouté un traitement souvent très complaisant des questions de violence et de délinquance, sur TF1 comme sur France 2, aurait donc créé chez le spectateur un sentiment de peur mais aussi de perte de repères qui pourrait expliquer une partie des votes d’extrème droite.

Splendeur et misère des sondages

Images traumatisantes mais aussi avalanche de chiffres, de pourcentages souvent déroutants. Plus que jamais les médias se sont nourris de sondages comme s’ils n’étaient pas capables de chercher à comprendre autrement l’opinion publique ni d’analyser la situation politique et electorale. A ce déficit du travail journalistique, il faut ajouter le fait que la plupart de ces sondages ont entretenu une véritable fiction puisqu’ils interrogeaient les Français sur le second tour, censé opposer forcément Chirac à Jospin, sans tenir compte de la configuration et des résultats du premier tour. Les instituts de sondage semblent avoir eux-mêmes reconnu leur échec puisqu’ils sont devenus quasiment muets entre les deux tours.

Absence de débats

Si l’absence d’analyse riche et diversifiée aura été l’une des caractéristiques de la couverture télévisuelle de cette campagne, l’absence de véritables débats lui aura fait écho. Cela peut s’expliquer conjoncturellement du fait du très grand nombre de candidats qui a rendu difficile la mise en place de ce type d’émission ou encore parce que la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour a privé les Français du grand débat démocratique de l’entre deux tours. Mais de telles explications ne doivent pas cacher le fait que le mouvement est plus profond et que la télévision semble se désintéresser des débats politiques dits classiques pour leur préférer des émissions hybrides comme Vivement dimanche (France 2) dans lesquelles priment le ludisme et le spectacle. On peut dès lors se demander si en participant à ce type d’émissions, les hommes politiques s’introduisent effectivement dans des univers plus familiers et quotidiens pour les téléspectateurs ou bien tendent à décrédibiliser leur parole et leur statut. Interrogé par le nouveau magazine Médias, Jean Mouchon faisait remarquer que la participation à ce genre de « shows » était à mettre en rapport avec le fait que de plus en plus « chaque protagoniste de la présidentielle se voit assigner une fonction médiatique précise, un mini répertoire conjugué à un look repérable ».
A cet égard, la place accordée par la télévision aux épouses des candidats aura été l’une des nouveautés de cette campagne et aura montré que la communication autour de l’image des candidats tend à devenir l’obsession des hommes politiques.

Thierry Lancien