lundi 8 mars 2010

Quand la télévision nous teste

Quand la télévision nous teste

Le français dans le monde, n°333
Mai-juin 2004


Genre solidement installé dans les programmations depuis les débuts de la télévision, les jeux télévisés sont en plein essor et cherchent de plus en plus à tester les connaissances.

Lorsque Julien Lepers, le populaire animateur de Questions pour un champion (France 3) accueille sur son plateau des élèves de grandes écoles comme Polytechnique ou l’Aéronavale, la scène a de quoi étonner. Elle ne fait pourtant que traduire le succès toujours grandissant des jeux télévisés qui occupent les écrans français à toutes les heures de la journée.

Le phénomène n’est pas entièrement nouveau et tout le monde a en mémoire ne serait-ce que les titres de jeux célèbres comme la « Tête et les jambes » ou « Intervilles ». Ce qui l’est plus, c’est le développement rapide de jeux dits de connaissances qui peuvent prendre différentes formes : tests, questions à choix multiples, portant sur toutes sortes de sujets.

France 2 et M6 se sont ansi disputés récemment un jeu portant sur la connaissance du code de la route, tandis que Tf1 proposait un « Bac blanc » inspiré bien sûr du baccalauréat et censé tester à travers cinquante questions les programmes scolaires de la sixième à la terminale dans cinq matières : le français, la géographie, l’histoire, les mathématiques et les sciences de la vie et de la terre.

Le succès de ces émissions tient sûrement à leur mise en scène totalement renouvelée qui peut prendre différentes formes. Plutôt spectaculaire dans le cas du « Maillon faible » (TF1) où une animatrice style grande prétresse, distribue les appréciations « correcte » ou « incorrecte » dans un jeu de lumière semblabe aux éclairs des cérémonies druidiques. Plutôt sobre dans « Qui veut gagner des millions », la tension liée au questionnement étant ici soulignée par une lumière crue, une musique solennelle et le calme olympien de l’animateur qui n’est autre que le très populaire Jean-Pierre Foucauld.

L’autre clef du succès est bien sûr l’interactivité. Dans toutes ces émissions en effet il sagit d’impliquer le téléspectateur en montrant sur le plateau son représentant collectif à savoir le public, mais aussi en proposant des tests accessibles à un large public qui a l’impression de participer au jeu.

Cette passion pour les jeux est-elle spécifiquement française ? Certains le croient et expliquent que la France est le premier consommateur en Europe de cahiers de vacances et de logiciels ludo-éducatifs et que le marché de l’autoformation y est en pleine expansion.

L’examen de la situation dans d’autres pays d’Europe amène à être plus prudent. En effet si les jeux peuvent traduire des attitudes culturelles nationales, comme chez nous le goût pour l’orthographe (voir les « Dicos d’or » de Bernard Pivot), ces émissions sont en même temps celles qui se transnationalisent le plus facilement et sont reproductibes dans les grilles des chaînes européennes. « Le juste prix », créé aux Etats Unis, a fait en son temps le tour de l’Europe télévisuelle et « Qui veut gagner des millions » nous vient de Grande Bretagne et se décline dans de nombreuses langues.

Pour les chaînes le succès de ces jeux est une aubaine. En termes d’audience, ils permettent en effet de fidéliser le public et de le retenir pendant toute la durée de l’émission. Les produits dits « dérivés », c’est à dire les boîtes de jeux, les magazines, assurent quant à eux de jolies rentrées financières ainsi que la promotion du jeu. L’année dernière le jeu « Qui veut gagner des millions » s’est vendu en France à plus de 250.000 exemplaires allant presque jusqu’à détroner un monument national, le Monopoly.

Thierry Lancien