lundi 8 mars 2010

Une télévision publique sans publicité

Le français dans le monde n°357
Mai-juin 2008


Le président de la république a profité de sa conférence de presse de la rentrée 2008 pour annoncer qu’il souhaitait supprimer la publicité sur les chaînes publiques. Présentée par lui comme « une révolution culturelle sans précédent », la mesure a suscité aussitôt de nombreuses interrogations.

Publicité et course à l’audience
Avant toute chose, il convient de rappeler que la publicité n’est entrée que progressivement sur les chaînes de service public. Les intérêts mercantiles qu’elle représente étaient en effet d’abord perçus comme contraires aux missions de celui-ci et la publicité de marque ne sera intoduite qu’en 1968 à la télévision. Dans les années 80, alors que voient le jour des chaînes privées (la 5, M6, privatisation de TF1), les chaînes publiques vont pour des raisons de financement intensifier leur recours à la publicité. Du même coup et pour attirer les annonceurs qui paient d’autant plus cher le passage à l’antenne que l’audience est importante, les chaînes publiques vont quelquefois pratiquer ce qu’on appellera une course à l’audience. C’est bien pourquoi, avec le souci de préserver la qualité des programmes et notamment leur caractère culturel, la question de la publicité sera souvent posée, notamment par des gouvernements de gauche et par des rapports.

Un renforcement des programmes culturels
La mesure de suppression de la publicité devrait toucher l’ensemble du groupe France Télévision, c’est à dire les chaînes publiques France 2, France 3, France 4, France 5 et France O. Ces chaînes représentent à peu près 40% de l’audience en France. Les défenseurs de cette mesure et ceux qui l’accueillent plutôt favorablement font valoir que débarassées de la tyrannie de l’audimat (mesure d’audience), les chaînes publiques pourront renforcer leurs programmes culturels. Cet objectif était déjà au cœur du rapport Clément (voir FDLM n°334) et presque tous les acteurs de l’audiovisuel sont d’accord pour reconnaître que la publicité a une influence directe sur les programmes. Elle crée des contraintes non seulement d’audience mais aussi de formats et même d’esthétique qui limitent l’audace et la liberté de création.

Un énorme manque à gagner
Le projet du président Sarkozy pourrait donc trouver un accueil favorable s’il ne suscitait en fait une énome inquiétude chez les professionnels. En effet, la publicité représente à l’heure actuelle 36% du financement des chaînes publiques et il va falloir combler un trou de 800 millions. Comme il n’est pas envisagé d’augmenter la redevance, le principe d’une taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées est à l’étude. Mais beaucoup n’y croient pas et craignent que le périmètre du service public soit en fait revu à la baisse. Des chaînes publiques pourraient disparaître ou être privatisées et l’on évoque déjà le cas de France 3 qui pourrait être privatisée par régions.
Avec le projet de suppression de la publicité sur les chaînes publiques, le PAF (paysage audiovisuel français) est incontestablement entré dans l’une des phases les plus compliquées de son histoire qui a un peu plus de cinquante ans.


Thierry Lancien