lundi 8 mars 2010

LES JEUX TELEVISES

Le français dans le monde, n°366
Nov-déc 2009

Si les jeux peuvent être considérés comme un genre télévisé mineur voire futile, ils témoignent pourtant des évolutions de la télévision et même de notre société.

Etant donnée la place que les jeux occupent dans nos sociétés, il est normal que les médias s’y soient très tôt intéressés. Ce fut d’abord le cas pour la radio qui, dès les années vingt, programma des émissions du type du « Jeu des mille francs » aujourd’hui encore diffusé sur France Inter. Née au début des années cinquante, la télévision va vite programmer des jeux qui supposent soit une performance intellectuelle (« Le mot le plus long » d’Armand Jammot), soit une performance physique (« Intervilles » de Guy Lux). Les deux pouvant être alliées comme dans la célèbre émission de Pierre Bellemare, « La tête et les jambes ».

Jeux et évolution de la télévision

Un regard historique porté sur les jeux montre bien que comme pour d’autres genres télévisés, les années quatre vingt, marquées par l’arrivée des chaînes privées, ont consitué un tournant pour les jeux télévisés. De 1960 aux années quatre vingt, il s’agit essentiellement dans les jeux de valoriser le candidat soit par son savoir culturel, soit par ses performances physiques. S’il faut noter que ces dimensions demeurent aujourd’hui, dans des jeux comme « Des chiffres et des lettres » ou « Questions pour un champion » tous deux rediffusés par TV5, les années quatre vingt se sont accompagnées de changements profonds.
Le premier concerne certainement la montée des gains culminant sans doute avec le jeu au titre évocateur « Qui veut gagner des millions ». On remarquera que le déplacement se fait ici au niveau même du titre puisque ce n’est plus la nature du jeu qui est évoquée mais le gain poursuivi. Il faut d’ailleurs noter que ce phénomène s’accommpagne aussi d’un déficit des connaissances demandées. Alors que celles-ci relevaient plutôt du domaine scolaire et de la culture générale, les émissions des années qutre vingt vont pouvoir les inscrire dans une pure dimension marchande. Dans « Le juste prix » il s’agissait par exemple de deviner le prix exact d’un objet à l’écran.
La montée en puissance du spectacle est sûrement le deuxième changement important survenu avec l’arrivée de ce que certains ont appelé la « néo-télévision ». Là encore comme dans d’autres genres télévisés, la télévision cherche à montrer ses propres performances : gadgets technologiques, sophistication du studio, des couleurs, des éclairages. Et comme le spectacle doit s’accompagner d’émotion, celle-ci est mise en avant par l’attitude de l’animateur et par le jeu des caméras : gros plan sur le visage du canadidat au moment où l aroue se fige, et ensuite gros plan sur la famille venue l’accompagner.
Comme dans la télé-réalité dont certaines émissions sont d’ailleurs assimilables à des jeux, on assiste donc à une montée de l’intime, du sensible qui pour beaucoup de sociologues sont aussi des marqueurs de nos sociétés contemporaines.

Mondialisation ou particularisme

Très présents sur les chaînes françaises, les jeux télévisés sont aussi les programmes que l’on retrouve le plus dans les grilles des chaînes européennes mais aussi d’autres pays. Tout se passe comme si le dispositif télévisuel relativement simple des jeux pouvait être facilement reproduit. Dans le passé « Le juste prix » ou « La roue de la fortune » étaient des déclinaisons de programmes américains. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y ait pas des différences dûes à la fois à la culture et à la nature des chaînes. Nous conclurons donc avec « Des chiffres et des lettres », jeu à tonalité intellectuelle fort distinct des formules américaines et plutôt adapté à des chaînes publiques.

Thierry Lancien