lundi 8 mars 2010

La télé-réalité

La télé-réalité

Le français dans le monde, n°325
Janv-fév 2003


Il y a un peu plus d’un an, l’émission Loft Story (M6) faisait son apparition dans le paysage audiovisuel français. Remportant vite un énorme succès d’audience, elle créait la surprise chez les acteurs du domaine et suscitait une vague de prises de position contradictoires chez les intellectuels.
Depuis les émissions dites de « télé-réalité »se sont multipliées et semblent s’installer durablement dans les programmations des chaînes privées.

Les origines du genre

Si le terme de « télé-réalité » est ambigu et sans doute mal choisi, il renvoit tout de même au fait qu’à leur origine ces émissions empruntent au genre documentaire et présentent des gens qui ne sont ni acteurs, ni journalistes, ni connus du grand public. Le succès de ces émissions et la fascination qu’elles peuvent exercer tient sans doute beaucoup au fait qu’elle nous montre des « vrais gens », auxquels il est plus facile de s’identifier qu’à des personnages de fiction.
L’une des premières émissions de ce type, « An american family life » qui fut diffusée aux Etats Unis en 1973, proposait ainsi au téléspectateur de suivre la vie d’une famille californienne dans les conditions de leur vie quotidienne. Le genre put même prendre une coloration sociale avec la diffusion en Grande Bretagne de « The family » montrant la vie quotienne d’une famille ouvrière près de Londres.
Petit à petit pourtant, la « télé-réalité » allait s’éloigner de cette même réalité en ayant recours à différents procédés. Il s’agira tout d’abord de ne plus suivre des individus dans leur cadre mais de les transporter dans un lieu nouveau et d’enregistrer leurs réactions (The real World, 1992). Interviendront ensuite la scénarisation qui consiste à introduire dans ce qui est filmé des ressorts dramatiques et surtout le jeu accompagné de gains importants (Expedition Robinson, 1997). Deux autres éléments viendont ensuite jouer un rôle très important dans ces émissions : le direct et l’interactivité. C’est avec Big Brother (99) qui a inspiré en Europe beaucoup d’autres émissions (comme Loft Story en France), qu’intervient le direct qui permet d’accentuer l’effet de réel. De nombreuses caméras traquent en permanence les faits, gestes et réactions des individus « condamnés » à vivre ensemble. L’interactivité elle va consister à faire intervenir le public pour l’élimination des personnages du « loft » ou encore pour l’élection des meilleurs talents de la chanson :Popstars.

La situation française.
Diffusée par M6 sur une idée de la chaîne néo-zélandaise TV2, cette émission qui s’inspire des spectacles de variétés nous montre le recrutement, la formation et le lancement d’un groupe de musique. Son succès s’inscrit pour M6 dans celui de Loft story qui lors de son apparition au printemps 2001 déstabilisa quelque peu le paysage des chaînes privées. La cadette de ces chaînes venait en effet menacer TF1 à ses heures de meilleure audience. Tentés un moment de ne pas céder aux charmes un peu sulfureux de la télé-réalité, les responsables de TF1 ont choisi depuis de ne pas avoir de tels scrupules et Star Academy est un succès.
Phénomène nouveau aussi, le succès de ces émissions se nourrit et s’accompage de multiples déclinaisons de produits dérivés (disques, vidéos, jeux de société) qui pourraient d’ailleurs à termes menacer certains secteurs de l’industrie culturelle, comme celui de la chanson.

Alors que le débat intellectuel autour des dangers ou des vertus de la « télévision réalité » s’est un peu essouflé, ce nouveau type de programmes est semble-t-il en train de s’installer de manière durable dans les grilles de nos chaînes, même si le service public résiste encore.

Thierry Lancien