lundi 8 mars 2010

Vie privée et télévision

Le français dans le monde n°362
Mars-avril 2009

A l’heure où il est question de supprimer les émissions de télé-réalité des chaînes publiques qui seront sans publicité à partir de janvier 2009, il est intéressant de s’interroger sur les rapports que la télévision entretient avec la vie privée.

Un peu d’histoire
C’est en fait dans les années 80 que tout commence. L’apparition des chaînes privées va en effet s’accompagner de changements profonds dans la conception que l’on se fait de la télévision et des programmes. A une télévision messagère qui transmet des informations, des connaissances, des spectacles va venir sajouter une télévision que beaucoup de chercheurs comme Dominique Mehl (1) vont appeler télévision « relationnelle ». Les programmes cherchent en effet à établir une nouvelle relation avec le téléspectateur, en le représentant dans les émissions, en parlant de lui y compris de ses problèmes les plus intimes : troubles de la sexualité, conflits familiaux, fantasmes en tous genres. On ne compte plus à cette époque les émissions de télévision qui ont rendu publics ces sujets relevant autrefois de la plus stricte intimité. Les concepteurs de « L’amour en danger », de « Psy show » pensent alors que loin du voyeurisme, ces émissions ont un rôle social puisqu’on y cherche à résoudre des conflits que la société n’est plus capable de prendre en charge.

La télé réalité
Quelques années plus tard la télé-réalité (Le Français dans le Monde n°325, 2003) va poser à son tour la question de la présence du privé voire de l’intime à la télévision. L’émission « Loft Story », emblématique du genre, a par exemple mis en scène la dimension relationnelle de la vie privée et porté à l’écran des personnes anonymes issues de la société civile et auxquelles le téléspectateur est censé pouvoir s’identifier.
Mélangeant réalité et fiction et remettant donc en cause la distinction des genres à la télévision, ces émissions ont eu leurs détracteurs mais continuent à avoir une certaine fortune télévisuelle.

Vie privée-vie publique
Dans le paysage audiovisuel d’aujourd’hui d’autres émissions peuvent aborder la question privée sous un angle différent. C’est par exemple le cas de « Vie privée-vie publique » (émission de France 3, diffusée sur TV5), conçue et animée par Mireille Dumas. L’animatrice qui fut très impliquée dans ce qu’on a appelé « la télévision à la première personne » avec une émission comme « Bas les masques », se propose toujours si l’on en croit le descriptif de son émission de « confronter la vie d’anonymes ou de personnes célèbres qui parlent des problèmes qui peuvent exister au sein des familles, des groupes de personnes et de chercher des solutions ». On retrouve bien ici les principes des « reality » et « talk show » évoqués plus haut, même s’il s’agit d’une orientation assez différente. Les émissions de « Vie privée vie publique » dans lesquelles sont invitées des personnes célèbres sont en fait à rapprocher des médias qu’on appelle « people » et qui entretiennent la curiosité du public par dévoilements successifs sur certains éléments de la vie privée. On n’est plus ici dans une télévision actrice qui voulait intervenir dans le champ du social mais dans un genre télévisuel à rapprocher de toute cette tendance médiatique qui consiste à reculer les frontières qi ont longtemps séparé vie publique et vie privée.

(1) Dominique Mehl, La fenêtre et le miroir, Payot

Thierry LANCIEN